Hommage républicain à Monsieur Paul Girod, sénateur honoraire, maire de Droizy

Mis à jour le 08/10/2021

Hommage républicain prononcé par M. Thomas Campeaux,

préfet de l’Aisne, lors des obsèques de M. Paul Girod, sénateur honoraire, maire de Droizy

A la cathédrale de Soissons, le lundi 4 octobre 2021

Madame Pascale Girod,

Et je salue également vos enfants, vos belles-filles et gendres, vos petits-enfants, vos arrière-petits-enfants et toute votre famille et vos proches,

Madame la sénatrice de l’Aisne, représentant monsieur le président du Sénat,

Madame et messieurs les députés,

Messieurs les sénateurs,

Monsieur le président du conseil régional,

Monsieur le président du conseil départemental,

Monsieur le président de la communauté de communes du canton d’Oulchy-le-Château,

Monsieur le président de l’Union des maires de l’Aisne,

Monsieur le premier adjoint et madame et messieurs les membres du conseil municipal de Droizy,

Mesdames et messieurs les maires,

Mesdames et messieurs les conseillers régionaux, départementaux, communautaires, municipaux,

Mesdames et messieurs,

C’est pour moi, en ma qualité de préfet du département de l’Aisne, un difficile honneur que de prendre la parole devant vous pour saluer une dernière fois Paul Girod, sénateur honoraire, maire de la commune de Droizy.

Ma présence à cette cérémonie et cette prise de parole s’inscrivent dans la tradition républicaine.

Il s’agit d'un hommage solennel rendu par l’État, que j’ai l’honneur de représenter dans l’Aisne, à l’élu que fut Paul Girod, personnalité reconnue pour ses qualités humaines et son sens de l’intérêt général. Qu’il me soit cependant permis d’associer à ces propos l’ensemble des élus ici réunis pour lui dire un dernier adieu.

L’assistance nombreuse, rassemblée aujourd’hui dans cette cathédrale de Soissons, témoigne de la considération et de l’affection qui était portée à un homme qui a inscrit le parcours de sa vie dans la République, au service de ses concitoyens, fort de la confiance qu’ils n’ont jamais cessé de lui témoigner.

Mes premières pensées s’adressent évidemment à son épouse, Pascale Girod, à ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, ainsi qu’à ses proches.

Les mots paraissent bien dérisoires en face de l’épreuve que vous traversez depuis la disparition de votre époux et parent.

En ce moment particulièrement difficile, je vous adresse mes plus sincères condoléances et vous dis, au nom de toute l’assistance, notre tristesse, notre émotion et notre solidarité.

*

Cet hommage républicain n’est pas destiné à retracer l’itinéraire personnel d’un homme qui a su faire le bonheur de sa famille et de ses amis.

Il vise en revanche à évoquer ce que fut sa vie de citoyen et d’élu.

Une vie marquée par le dévouement à la cause publique, une vie dont l’exemple mérite d'être transmis à tous ceux qui ont, ou auront un jour, la vocation de se placer au service de leurs concitoyens en sollicitant leur confiance.

Le parcours politique de Paul Girod fut à la fois exceptionnel et remarquable.

Il nait le 27 juin 1931 à Boulogne-sur-Seine.

Après de brillantes études suivies à Paris aux lycées Montaigne et Louis-le-Grand, il s’installe en 1955 à Droizy pour y reprendre, en sa qualité d’ingénieur agronome, l’exploitation agricole de son oncle.

En 1958, sous la IVe République finissante, René Coty étant président de la République, un « enchaînement de circonstances », comme il le dira lui-même avec humilité, l’amène à 26 ans à être élu conseiller municipal, sans même avoir été candidat, pour compléter le conseil à la suite de la démission du maire en exercice.

Le 22 mai 1958, le conseil municipal procède à l’élection du maire et Paul Girod, de retour d’une journée de réserve au camp militaire de Sissonne, se retrouve, en uniforme d’officier de réserve, élu maire de Droizy pour achever le mandat en cours, qui sera suivi de 11 autres mandat consécutifs.

Ecoutons-le commenter sa première élection : « C’était presque de nature que le gros agriculteur soit le maire du pays ; c’était le seul qui avait le temps, qui était censé avoir les relations, qui était censé avoir les compétences (…) ; la confiance des habitants est venue après ».

Au fil de ces nombreux mandats exercés de manière consécutive, Paul Girod devint le plus ancien maire de France en exercice, avec 63 ans passés en qualité de maire de la commune de Droizy au moment de son décès. Cette qualité de doyen des maires de France l’avait d’ailleurs conduit, lors des dernières élections municipales en 2020, à accorder nombre d’entretiens à des médias nationaux fascinés par la constance de son engagement.

Ce mandat de maire était celui qu’il affectionnait le plus, compte tenu de sa proximité avec les habitants ; ce fut le seul mandat qu’il conserva jusqu’à la fin.

Il disait d’ailleurs à propos de cette fonction de maire : « Ce n’est pas du dévouement, c’est un honneur. Et un honneur, ça ne se refuse jamais ». Et pourtant, il confiait volontiers en avoir « bavé au début », en découvrant « les budgets à boucler, les mains à serrer, les tapes dans le dos à distribuer, les ivrognes du village à discipliner ».

Paul Girod œuvra avec ténacité pour le bien de sa commune de Droizy, qu’il aura durablement marquée de son empreinte. Il était fier de son embellissement et espérait que lui succèderait son premier adjoint, Pierre-Emmanuel Girod, son petit-fils.

Cette passion pour le mandat de maire ne l’empêcha toutefois pas de contribuer à la construction de l’intercommunalité en étant, avec d’autres, à l’origine de la création le 30 décembre 1994 de la communauté de communes du canton d’Oulchy-le-Château, dont il présida le conseil communautaire et dont il était encore conseiller communautaire.

Au début des années 1970, la carrière politique de Paul Girod prend une nouvelle dimension.

En 1971, il rencontre un autre exploitant agricole, le sénateur Jacques Pelletier, dont il devient le suppléant.

En 1972, il est élu conseiller général du canton d’Oulchy-le-Château et rejoint ainsi le conseil général de l’Aisne au sein duquel il siégera pendant 29 ans, dont 10 ans en qualité de président, de 1988 à 1998. Encore un beau succès politique et une longévité impressionnante.

Au conseil général de l’Aisne, Paul Girod développe sa vision du département, intimement convaincu de ses atouts, en établissant des liens de collaboration étroits avec tous les élus et les acteurs locaux qui animent le département.

Il est en particulier à l’origine de nombreuses initiatives dans les domaines économique, culturel et touristique.

Il crée par exemple l’agence départementale de promotion économique Aisne Développement, grâce à laquelle de nombreux projets économiques ont pu voir le jour, et soutient la création de zones d’activités comme la zone industrielle de l’Omois à Château-Thierry ou la zone d’activités d’Hartennes-et-Taux, où il sait courageusement accueillir des activités industrielles susceptibles de provoquer le rejet de la population.

Dans le domaine culturel, il encourage les actions de l’Adama, l’Association pour le développement des activités musicales dans l’Aisne, afin de rendre la musique et l’enseignement musical accessibles à tous dans un territoire à la fois étendu et rural.

Il lance encore de grandes campagnes de communication pour mieux faire connaître l’Aisne et renforcer le sentiment d’appartenance et de fierté de ses habitants.

En 1973, Paul Girod devient également conseiller régional de Picardie. Régulièrement réélu, il siège au conseil régional, dont il devient le 3e vice-président en 1985, jusqu’au 30 septembre 1988, date à laquelle il démissionne pour respecter la loi sur le cumul des mandats.

En 1977, il devient président de l’Union des maires de l’Aisne, fonction qu’il occupera jusqu’en 2013, soit pendant 36 années. Encore une exceptionnelle longévité dans l’exercice de cette fonction de représentation des 800 maires de l’Aisne.

En 1978, il devient sénateur de l’Aisne, à la suite de la nomination de Jacques Pelletier comme secrétaire d’État à l’Education dans le troisième gouvernement de Raymond Barre.

Réélu à trois reprises, il sera sénateur pendant 30 ans et exercera notamment les fonctions de vice-président de la commission des finances et de vice-président de la commission des lois du Sénat, avant d’en devenir vice-président de la Haute assemblée de 1995 à 2001.

Une tâche le marque particulièrement pendant l’exercice de ses mandats de sénateur : en septembre 1981, après la démission d’Edgar Tailhades, Paul Girod est le rapporteur de la loi portant abolition de la peine de mort.

Lors de la séance présidée par Maurice Schumann, en présence notamment d’Edgar Faure et de Robert Badinter, Garde des Sceaux, il déclare qu’ « être le rapporteur de la commission des lois sur un sujet aussi grave aurait déjà été, en toute circonstance, un honneur immense et une responsabilité redoutable ».

Il conclut son rapport, avec la grande honnêteté intellectuelle qui le caractérise, par ces mots : « Compte tenu de la position prise par la commission, et celle-ci ne constitue à l’évidence que le reflet des incertitudes de beaucoup d’entre nous, votre rapporteur ne peut, en définitive, que s’en remettre à la sagesse du Sénat, et aussi à la conscience de chacun de ses membres ».

Le Sénat votera le texte dans les mêmes termes que l’Assemblée Nationale par 160 voix, dont celle de Paul Girod, contre 126, et la loi qui fêtera ses quarante ans dans quelques jours sera promulguée le 9 octobre 1981.

Au cours de ses mandats de sénateur, Paul Girod s’impliquera également dans les lois de décentralisation, l’aménagement rural, l’autonomie financière des communes ou la sécurité civile. De 1988 à 2011, il est d’ailleurs président du haut comité français pour la défense civile (devenu haut comité français pour la résilience nationale).

En 2008, Paul Girod met un terme à sa carrière parlementaire et devient, au regard de ses trente années de mandat, sénateur honoraire.

En évoquant sa carrière de sénateur, il faut cependant évoquer une responsabilité qui lui tint particulièrement à cœur : la présidence du groupe d’amitié France - Etats-Unis du Sénat.

Le 13 septembre 2001, il accompagne à ce titre le président Jacques Chirac aux Etats-Unis, deux jours après les attentats qui l’ont profondément ému. A son retour, il plante, au pied de la statue de la liberté, un chêne américain dans la terre du jardin du Luxembourg mêlée des cendres des lieux frappés par la folie meurtrière des terroristes.

Européen convaincu, il est conscient du fait que la liberté et l’indépendance ne sont jamais acquises. Il se montrera fidèle aux commémorations, en particulier celle du bois Belleau qui marque le premier engagement des marines américains, en 1918.

*

Les hommages se sont multipliés depuis le décès de Paul Girod, mardi 28 septembre dernier.

Infatigable défenseur de l’Aisne et des Axonais, il a su leur conserver loyauté et affection durant toute la durée de l’exercice de ses mandats nationaux ; il voulait que les Axonais se réapproprient leur département, dont il connaissait les richesses et le potentiel et qui n’avait jamais quitté son cœur malgré ses responsabilités nationales.

Il était un modèle d’engagement et de droiture morale ; il avait à cœur de servir la collectivité et d’œuvrer pour le bien commun. Son parcours, son engagement, son investissement personnel sans limite, son attachement à sa commune et à son département sont connus et salués de tous.

Homme de caractère et d’autorité, mais doté d’une grande sensibilité, travailleur à la vivacité d’esprit reconnue, il a mis, sa vie durant, ses talents au service de son territoire et de ses concitoyens.

Paul Girod est né sous la IIIème République, il est entré en politique sous la IVème République (dont il se qualifiait d’ailleurs lui-même, avec humour, de « vestige ») et il est décédé sous la Vème République. De René Coty à Emmanuel Macron, il aura, dans sa carrière politique, connu 9 présidents de la République et profondément marqué la vie politique française, locale et nationale, pendant plus de 60 ans en exerçant avec abnégation et constance les principaux mandats politiques. Une telle longévité dans l’engagement politique, au service de l’intérêt général, force le respect et l’admiration.

Je ne saurais terminer cet hommage sans évoquer l’importance que représentait pour lui sa famille et sans souligner la présence permanente et l’infatigable action, à ses côtés, de son épouse Pascale Girod, à laquelle je souhaite rendre un hommage tout particulier.

Ces mots sont bien insuffisants, madame, et j’en suis conscient, pour traduire la mesure du vide laissé par la disparition de votre époux.

Le nombre et la qualité de ses amis qui entourent votre famille dans le recueillement apportent une preuve bien plus tangible du respect et de l’affection qu’il leur inspirait.

Au terme de ces paroles, c’est au nom du Gouvernement de la France, et en mon nom personnel, que je m’incline devant Paul Girod, maire de Droizy, sénateur honoraire, chevalier de la Légion d’honneur, et que je renouvelle à tous les membres de sa famille, son épouse, ses enfants, ses petits-enfants et arrière-petits-enfants, au conseil municipal de Droizy et au conseil communautaire de la communauté de commune du canton d’Oulchy-le-Château, mes condoléances les plus sincères et les plus attristées.

Puisse la mémoire de Paul Girod demeurer longtemps dans l’esprit des habitants de l’Aisne et constituer une source d’inspiration pour celles et ceux qui se dévouent à la chose publique.

Le 28 septembre 2021

Disparition de Monsieur Paul Girod, ancien sénateur de l'Aisne

C’est avec une grande tristesse que Thomas Campeaux, préfet de l’Aisne, a appris la disparition de Paul Girod. Il a été sénateur du département de l’Aisne, président du Conseil Général et président des maires de l’Aisne.

Né le 27 juin 1931 à Boulogne-Billancourt, il reprend l’exploitation agricole de son oncle dans l’Aisne en 1954. Profondément engagé pour les Axonais, il est élu maire de la commune de Droizy deux ans plus tard, en 1958, et exerça cette fonction avec passion jusqu’à son dernier souffle, un mandat qui aura duré 62 ans et qui fera de Paul Girod le plus ancien maire en exercice en France.

Devenu sénateur le 7 mai 1978, il restera à ce poste 30 ans dont 6 ans en tant que vice-président. Il sera élevé à la dignité de sénateur honoraire. Il a également présidé le conseil général de l’Aisne pendant 10 ans et l’Union des maires de l’Aisne pendant 36 ans.

Figure incontournable de l’Aisne et riche d’une carrière exemplaire, Paul Girod sera promu au grade d’officier de l’ordre national de la Légion d’honneur en 2010 et recevra la médaille de la préfecture pour son engagement au service de la France et de l’Aisne en début d’année.

Au nom de l’ensemble des services de l’État, le préfet de l’Aisne adresse ses plus sincères condoléances à sa famille.